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                    La Basilique Saint Andoche 

Au-delà de la légende et de l'hagiographie, il est difficile d'avancer des faits avérés en ce qui concerne l'origine de la basilique de Saulieu. Ce qui est certain, c'est que le christianisme se diffuse dans l'Empire romain en suivant les grandes voies commerciales et s'implante petit à petit dans les provinces, y compris en Gaule. Des missionnaires, souvent issus de milieux commerçants asiatiques ou grecs évangélisent, parfois au péril de leur vie. 
Le fait que deux hommes, Andoche et Thyrse, eussent été envoyés afin d'évangéliser notre région par polycarpe, évêque de Smyrne soit vrai ou pas, peu importe. Ce qui compte c'est la vraisemblance. 
Depuis la découverte de l'inscription de Pectorios, datée du IIe siècle, à Autun, on sait que des communautés chrétiennes vivent dans la capitale éduenne de manière assez précoce. Il n'est donc pas inconcevable que des missionnaires, après avoir séjourné à Autun, souhaitèrent poursuivre leur mission le long de la via Agrippa, jusque dans le vicus de ce qui deviendrait Saulieu, dans une localité dont l'existence est attestée à cette époque puisque figurant sur cet itinéraire sur la fameuse table de Peutinger. 


 

D'après les plus anciens martyrologes, Andoche et ses compagnons ont été suppliciés à Autun, ce qui est logique puisque Saulieu est un vicus, la métropole est Augustodunum. Par ailleurs, il était impensable d'enterrer des morts au centre d'une ville, si petite soit-elle, il y a chez les Romains comme chez les Grecs, des nécropoles, extérieures à la ville des vivants, souvent le long des voies romaines, hors les murs.

Autre indice, la vie d'Amator, un des premiers évêques d'Auxerre (mort en 418), relate qu'il est en voyage, qu'il parvient à côté d'Autun, dans un cimetière, et qu'il va sur la tombe, lieu de repos, des martyrs Andoche et Thyrse. Puis Amatre entre dans les murs d'Autun.

Mais dans le testament de Waré (ou Wiré), abbé fondateur de l'abbaye de Flavigny, daté de 722, Saulieu abrite les reliques des trois saints. Ainsi le transfert des reliques n'a pu s'opérer qu'entre la date de rédaction de la vie d'Amatre (fin VIe siècle) et la date de rédaction du testament de Wiré (722).

 

A cette époque, il est possible que des ermites vécussent dans les environs de Saulieu, perpétuant la mémoire des trois saints martyrs.

Or les autorités religieuses cherchaient à les regrouper et à mieux les contrôler.

Dans cette optique, la fondation du monastère saint-Andoche semble pouvoir être situé au tournant des VIe siècle et VIIe siècle, (entre 590 et 610) à une époque où la reine Brunehaut régnait à Autun (Austrasie et Burgondie), assurant la régence au nom de ses petits-fils. Brunehaut avait fait restaurer de nombreuses voies romaines, appelées dorénavant chaussées Brunehaut, dont la via Agrippa, qu'elle empruntait, passant ainsi par Saulieu, se rendant par exemple à Epoisses où elle avait une résidence. 

Elle était amie du pape Grégoire le Grand et de l'évêque d'Autun, Syagrius. Elle a fait de nombreuses fondations religieuses. Dans l'optique de regroupement et de contrôle des chrétiens de Saulieu, et avec l'aval de l'évêque sans doute, Brunehaut fit don de reliques de Saint-Andoche, Saint-Félix et Saint-Thyrse à Saulieu qui vit la fondation d'une église mérovingienne. Le culte des reliques se développa à cette époque. C'est au moment du transfert d'une partie seulement des reliques (la majorité étant donné par Brunehaut au monastère Saint-Andoche d'Autun et cela on en est sûr) à Saulieu qu'elles furent déposées dans le fameux tombeau en marbre, sarcophage d'une époque antérieure, mais réemployé en le décorant de symboles chrétiens (cerf, croix, etc.). Sans doute une chapelle mérovingienne est érigée alors pour accueillir les reliques et un culte se développe alors. 

 

Pour ce qui concerne la période suivante, les historiens contestent de plus en plus la venue des Sarrasins à Saulieu car ils venaient non pas envahir et s'installer mais razzier, piller, enlever et rançonner (l'abbé de Cluny en fut victime) et capturer des esclaves. Or le Morvan, massif forestier inhospitalier les aurait repoussés. En revanche, Charles Martel, dans sa remise en ordre du royaume, commis de nombreuses exactions et brûla peut-être le monastère Saint-Andoche, ce qui conduisit ses descendants, notamment le plus illustre, Charlemagne, a reconstruire nombre d'édifices.

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Il y eut donc une église carolingienne, qui exista jusqu'à l'église romane dont nous conservons la nef. Après le IXe siècle, dans un courrier de l'archevêque de Lyon, il n'y a plus de mention contemporaine des reliques, ni du lieu où elles étaient conservées (dans la crypte?).

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Il existe donc un monastère, sans doute peu important, à Saulieu au IXe siècle. Wiré, abbé de Flavigny l'avait néanmoins bien doté. Il lui donne des terres en Auxois, dans le Morvan, en Nivernais, des livres, des ornements, etc. Il devient abbé de Saulieu.

 

A cette époque survient un événement capital : Charles II le Chauve, petit-fils de Charlemagne, signe en 843, une charte en faveur de la cathédrale d'Autun et de l'évêque, qui leur attribue un ensemble de monastères, Saint-Eptade de Cervon, Saint-Andoche d'Autun et Saint-Andoche de Saulieu, entre autres. Saint-Andoche de Saulieu passe de la possession de Flavigny à celle d'Autun et elle appartiendra à l'évêché d'Autun jusqu'à la Révolution. 

On sait peu de choses sur cette période, sauf que le monastère Saint-Andoche de Saulieu est occupé par des moines bénédictins, qui suivent donc la règle de Saint-Benoît.

La période est celle de la naissance de la seigneurie, de l'ordre féodal et de la mise en place des paroisses.

 

C'est surtout celle d'un grand renouveau religieux et monastique initié par l'abbaye de Cluny et ses grands abbés.

Or, dans la région de Mâcon une grande seigneurie s'était formée, celle des Bagé (ou Baugé), qui possédait un vaste domaine s'étendant principalement sur la Bresse. Les seigneurs de Bagé ou Baugé sont liés aux comtes de Mâcon et possèdent l'abbaye de Saint-Laurent. Ils sont appelés seigneurs de Baugé et de Bresse.

A partir des années 1075-1080, ils sont appelés souverains de leurs terres car ils ne reconnaissent plus ni l'autorité du roi de France ni celle de l’empereur germanique tout proche (le sud de la Bourgogne est à l'époque terre de confins). Or, le titre et la souveraineté se transmettent par ordre de primogéniture mâle et les cadets sont confiés à l’Église et pour les Baugé à la puissante et prestigieuse abbaye de Cluny toute proche. Josserand de Bagé cherche à élever sa famille au niveau spirituel, culturel et moral. Son deuxième fils, Andoche Hugues, est chanoine à Mâcon et son troisième fils, Étienne, formé à Cluny, devient évêque d'Autun, titre et fonction qu'il occupera durant 23 ans (1112-1136). Il est aussi nommé bienfaiteur de l'abbaye de Saulieu. Il se fit remarquer par sa modestie, sa grande érudition, et son caractère pacifique.

 

A partir de l'an mil, selon l'expression du moine Raoul Glaber, formidable témoin de l'époque, l'Occident se couvre d'un blanc manteau d'églises. C'est une véritable fièvre de constructions et de reconstructions, témoin de la ferveur religieuse de l'époque mais aussi du renouveau culturel et de la richesse économique nécessaire, alors que les églises carolingiennes ne sont pas toujours en mauvais état. Cette époque du Moyen-Âge central ne correspond en rien à l'image noire qu'on en donne habituellement.

Étienne de Bagé est grandement influencé par Cluny qu'il a découvert et par la construction de la gigantesque Cluny III, abbatiale qui commence à sortir de terre dans les années 1080.

Il va s'en inspirer pour les fondations romanes qu'il entreprend dans son diocèse, à Autun, Beaune et Saulieu. C'est un maître d'oeuvre compétent et qui va s'entourer à chaque fois sur ses trois chantiers de sculpteurs d'un talent extraordinaire.

Vers 1120, sur un terrain donné par le duc Hugues II, il entreprend la construction de l'église Saint-Lazare, en face de la cathédrale Saint-Nazaire, pour abriter les reliques de Saint-Lazare. L'époque est celle du développement des pèlerinages, qui rapportent d'ailleurs beaucoup d'argent à l’Église.

  

A Saulieu, la date à laquelle débute le chantier est problématique. 1119 est une date erronée. Aucun document original ne mentionne de consécration. Par ailleurs, Étienne de Bagé aurait-il entrepris l'édification de Saint-Andoche avant la grande église de pèlerinage d'Autun, chef-lieu de son pouvoir ? Peu probable. D'ailleurs comment construire un tel édifice aussi vite alors que Saint-Lazare d'Autun n'est consacrée qu'en 1130, que la nef n'est achevée que vers 1146-1147 et que le porche n'est édifié que vers 1178-1179 ?

On peut supposer que l'évêque d'Autun a initié plusieurs chantiers simultanément, à Autun, Beaune et Saulieu, et que la construction du chœur de ces trois églises a débuté vers 1119-1120, pour s'achever vers 1150 peut-être, donc après sa mort, comme les formes architecturales inspirées de Cluny III l'attestent. Quoi qu'il en soit, Étienne de Bagé est un grand prélat, formé à Cluny, intellectuel et bon administrateur, grand bâtisseur aussi.

 

C'est vers le début de la construction du chœur de Saint-Andoche que survient un événement capital, mal interprêté.

En 1119, l'archevêque de Vienne (sur le Rhône), Guy de Bourgogne, fils de Guillaume comte de Bourgogne, fut élu pape à Cluny, le 2 février.  Il prit le nom de Calixte II. Après avoir rencontré le roi d'Angleterre Henri Ier et l'empereur romain germanique Henri V et présidé le synode de Reims, il regagna Rome en passant par la Bourgogne actuelle (Sens, Auxerre) et la Bourgogne de l'époque, notamment par Saulieu et Autun, dont il connaissait l'évêque, Étienne de Bagé, clunisien comme lui.

Ainsi, il est attesté que le 23 (ou 21) décembre 1119, Calixte II séjourne à Saulieu, accompagné d'une suite prestigieuse : l'archevêque Turstin d'York, l'archevêque Bruno de Trêves, les évêques de Nevers, de Langres et d'Autun (son camarade Étienne). Lors d'une cérémonie à Saint-Andoche, Calixte serait descendu dans la crypte et aurait transféré les reliques jusqu'au grand autel de l'église supérieure. Était-ce encore l'église carolingienne ? Un chœur roman en travaux ? En tout cas, une chose est sûre, il n'y a jamais eu consécration d'une église romane en 1119, qui n'existait pas à l'époque.

Deuxième étape importante de la cérémonie et du séjour du pape à Saulieu : le souverain pontife promet d'accorder une indulgence à tous les pèlerins qui se rendraient à Saint-Andoche afin d'y rendre hommage aux trois saints.

Enfin, dernier acte, le plus important de cette cérémonie, est lié à la fondation d'une nouvelle abbaye, toute récente à l'époque, mais promise à un bel avenir, Cîteaux.

En effet, l'hiver du Morvan n'incitait pas aux déplacements dans la campagne, hors des grands chemins. C'est donc l'abbé de Cîteaux, Étienne Harding, qui apporte au pape à Saulieu, un document concernant l'organisation de son ordre, la Charte de Charité, que l'on aurait pu appeler aussi Charte de Saulieu. Elle est alors et demeure à ce jour la règle de l'Ordre de Cîteaux. C'est à Saulieu que le pape Calixte II ratifie ce texte fondamental pour l'Occident et dont voici quelques extraits significatifs :

« 

I - Que l'église-mère n'exige aucune contribution matérielle.

[I] Puisque nous nous reconnaissons tous pour les serviteurs, bien qu'inutiles, du seul vrai Roi, Seigneur et Maître, nous n'imposerons aucune contribution matérielle et temporelle à nos co-abbés et à nos frères moines que la bonté de Dieu, se servant de nous les plus misérables des hommes, a soumis à la discipline régulière en des lieux divers. Car, désirant leur être utiles ainsi qu'à tous les fils de la sainte Église, nous ne voulons prendre à leur égard aucune disposition qui leur soit une charge qui diminue leurs ressources, de crainte qu'en désirant nous enrichir de leur pauvreté, nous ne puissions échapper à l'avarice qui, selon l'Apôtre, est une idolâtrie. [2] Toutefois nous voulons conserver, en vue de la charité, le soin de

II - Que la Règle soit comprise et observée pour tous de la même manière.

[3] Nous voulons donc et nous leur prescrivons qu'ils observent en tous points la Règle du bienheureux Benoît comme elle est observée dans le Nouveau Monastère ; qu'ils n'introduisent pas un autre sens dans la lecture de la sainte Règle, mais que nous la comprenions et la gardions aujourd'hui, qu'ils la comprennent et la gardent eux aussi, comme nos prédécesseurs, c'est-à-dire nos saints pères les moines du Nouveau Monastère l'ont comprise et gardée.

VII - Du chapitre général des abbés à Cîteaux.

[12a] Que tous les abbés de ces églises viennent une fois par an au Nouveau Monastère, au jour qu'ils auront convenu entre eux. [13] Et qu'ils y traitent du salut de leurs propres âmes et des âmes des leurs ; s'il y a quelque chose à redresser ou à améliorer dans l'observance de la sainte Règle ou des coutumes de l'Ordre, qu'ils fassent le nécessaire, et qu'ils veillent à entretenir entre eux le bien de la paix et de la charité.

VIII - Règlement entre ceux qui sont issus de Cîteaux et les monastères de leur filiation

[11] Lorsqu'une de nos églises, par la grâce de Dieu, aura tellement grandie qu'elle puisse construire un autre monastère, que ces abbayes observent entre elles le même règlement que nous observons nous-mêmes avec nos confrères ; cependant nous voulons nous réserver ceci : que tous les abbés de toutes les régions, au jour qu'ils auront convenu, viennent au Nouveau Monastère, et que là ils obéissent en tout à l'abbé de ce lieu et au chapitre, pour le redressement des abus et en ce qui concerne la sainte Règle et l'observance de l'Ordre. Mais ils n'auront pas de chapitre annuel avec les abbés de leur filiation. »

L'abbaye de Cîteaux prendra son ampleur avec la venue de Saint-Bernard, les fondations vont se multiplier, notamment Clairvaux en 1115 et Fontenay en 1118.

L'acte pontifical, la bulle,  « signé » à Saulieu précise « Moi Calixte évêque de l’Église catholique j'ai confirmé et signé. Donnée à Saulieu par la main de Chrysogone cardinal diacre et bibliothécaire de la sainte Église romaine, le X des calendes de janvier, indiction XIII, l'an MCXVIIII (!!) de l'incarnation du seigneur la première année du pontificat de Calixte II. »

 

Quel est le contexte pour Saulieu ?

C'est une petite cité entre Morvan et Auxois, le long d'une voie de passage sur le seuil de Bourgogne, et le commerce s'y développe donc. En tant que petite ville elle a des marchés où se vendent les grains, les bleds, de toute la campagne environnante. Il y a sans doute aussi des activités textiles, chanvre et laine et des activités maraîchères. Il y avait aussi des foires, de privilège royal. La ville était entourée de murs aux pieds desquels s'étalaient des marécages et des sources, Boignard, Breuil, ou des étangs nombreux. Cependant, au contraire des chanoines de Beaune, la petite communauté monastique de Saint-Andoche, malgré l'aide de l'évêque d'Autun, n'a pas les moyens d'une telle reconstruction. C'est pourquoi, dès 1139, à l'initiative de l'évêque, les moines sont remplacés par un collège de chanoines, sans doute mieux pourvus et dotés personnellement. L'abbatiale Saint-Andoche devient collégiale.

 

Mais revenons un peu en arrière.

Étienne de Bagé demande à son maître d’œuvre, dont nous ignorons l'identité, de bâtir une église sur le modèle de Cluny III. La voûte de la nouvelle église de Cluny s'était effondrée en 1125. Le Chœur était achevé seulement en 1130. En 1122, Pierre de Montboissier, dit Pierre le Vénérable, devient abbé de Cluny et poursuit la construction de l'abbatiale Cluny III.

La collégiale saint-Andoche adopte donc les partis-pris clunisiens : élévation à trois niveaux avec grandes arcades brisées à double rouleaux, triforium aveugle à arcatures en plein cintre portés par des chapiteaux moulurés, et un niveau supérieur  avec une seule baie. Comme à Cluny III, la voûte de la nef est en berceau brisé, ce qui annonce le gothique. Les piliers qui portent les grandes arcades sont cruciformes et flanqués de demi-colonnes engagées. Sur ces colonnes engagées, des chapiteaux floraux ou historiés. Les demi-colonnes de la nef montent sur dosseret jusqu'à la retombée de la voûte.

Les bas-côtés sont voûtés d'arêtes, très répandues en Bourgogne à cette époque. Les piliers des bas-côtés reçoivent les arcs doubleaux transversaux et les arcs formerets de la nef. Les travées des bas-côtés sont percées de petites baies en plein cintre, au sud et au nord.

Comme dans tous les édifices clunisiens de l'époque, le tout est construit en moyen appareil de pierres de taille, avec des techniques de grande qualité. Pour le chantier, une carrière est ouverte à proximité de Saulieu, vers Château-Benoît (dont le nom atteste une résidence liée aux moines, peut-être pour le prieur ou l'évêque d'Autun). La pierre n'est donc pas du granit du Morvan mais du calcaire, lumachelle de Bourgogne plus précisément.

On ne sait presque rien du portail. Normalement, les édifices clunisiens sont dotés d'un porche  avec un tympan sculpté, représentant souvent le Jugement dernier, répondant au Christ en gloire du chevet, mais qu'en était-il à Saulieu ?

Par ailleurs, l'église d'origine était plus vaste. A l'emplacement du chœur actuel, s'élevait un très grand transept, bras de la croix latine, dont il reste un chapiteau à l'extérieur. A l'est, chaque bras du transept était terminé par une petite absidiole.

Le chœur roman, par lequel a débuté la construction, comme toujours, était apparemment rectangulaire (il était localisé à l'emplacement actuel du marché couvert). Se terminait-il malgré tout par une absidiole arrondie ? Mystère.

En tout cas l'église d'origine mesurait peut-être près de 70 mètres. La hauteur sous-voûte est de 17 mètres, mais elle s'est évasée et un peu écrasée et le sol a été remonté d'un mètre (Cluny III 30 mètres sous voûte).

C'est donc un édifice gigantesque pour une aussi modeste cité. C'est dire l'importance du pèlerinage et du culte rendu aux trois saints.

 

Au moment où Saint-Bernard entre à Cîteaux et lui donne son éclat spirituel intransigeant, Cluny est au faîte de sa puissance. Bernard a des mots très durs à l'égard de Cluny dont il accuse les moines d'avoir oublié la règle de Saint-Benoît et de s'être enrichi pour se vautrer dans la facilité et le luxe. Lui-même mortifie son corps et les moines cisterciens vivent très durement. Pour se consacrer à la prière et au travail, ils s'installent dans des lieux insalubres qu'ils mettent en valeur. Rien ne doit les détourner de leur mission et c'est pourquoi la décoration des églises et des monastères est réduite au minimum. Pas de sculptures historiées, pas de personnages, pas de monstres, pas de bestiaires, auxquels Bernard prétend ne rien comprendre.

Si l'attaque contre Cluny est rude et excessive, néanmoins l'abbé Pierre le Vénérable, en tient compte et tente de réformer son ordre. Il renouvelle les statuts de l'ordre et les fait approuver en Chapitre général, imitant ainsi les jeunes institutions cisterciennes.

Or, Étienne de Bagé et ses constructeurs ont rencontré Étienne Harding, abbé de Cîteaux en 1119, ils ont entendu la Charte de Charité approuvée à Saulieu, ils ont entendu les critiques de Saint-Bernard et Étienne, ancien élève de Cluny, reste en contact avec l'ordre et doit échanger avec Pierre le vénérable. Il revient sans doute sur le chantier de Cluny III auquel il voue une grande admiration. Par ailleurs, il fait toujours peuve d'une grande tolérance à l'égard du bouillonnant abbé.

Cela explique les modifications importantes apportée à l'architecture clunisienne à Saulieu. Alors qu'à Autun, l'art antique avec les pilastres cannelés sont partout, un autre choix est fait à Saulieu, où l'art clunisien est décanté de tout le superflu jusqu'à arriver à une certaine sécheresse. A Saulieu, les pilastres sont remplacés par de petites colonnes nues et les niveaux ne sont pas soulignés par des frises sculptées mais par de simples moulures ou la succession des tailloirs et des impostes. Les colonnes dosserets montent jusqu'à la voûte presque sans interruption, dans une économie décorative d'une grande austérité. C'est qu’Étienne de Bagé, homme pieux, a retenu la leçon de Cîteaux et de Fontenay, dont l'abbatiale est initiée à la même époque.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans ce décor très simple et rude, les chapiteaux n'en ressortent que plus. Ignorons tout de suite l'assertion habituelle infondée, les sculptures toutes fort bien soignées, même à 20 mètres du sol où elles sont invisibles, ne servent pas de support d'enseignement aux fidèles. D'ailleurs, Saint-Andoche à l'époque n'est pas paroissiale, les Sédélociens du Moyen-Âge vont à la messe à Saint-Saturnin ou Saint-Nicolas.

En réalité, les hommes du XIIe siècle représentent toute la création de Dieu, qu'elle soit positive ou négative. C'est une œuvre érudite.

Les chapiteaux de Saulieu sont l’œuvre d'un imagier de très grand talent, un mystique qui a évolué dans sa conception artistique. On ne connaît pas son nom, évidemment. Le sculpteur, comme le tailleur, est un artisan, le statut d'artiste n'existe pas à l'époque ou du moins il est naissant.

Au vu de ce qu'il a représenté, on pourrait supposer que le chef d'atelier (ce sont toujours des ateliers qui travaillent) a reçu une solide instruction, peut-être fut-il moine. Cela pouvait arriver alors. Peut-être était-il passé par Cluny avec Étienne de Bagé ? On pourrait imaginer un homme issu du Morvan, rude et âpre, connaissant intimement le massif, ses plantes, ses animaux, scolarisé d'abord à Saint-Andoche puis envoyé à Cluny parce que doué, placé par ses parents pauvres, recevant une solide instruction religieuse, découvrant les manuscrits aux riches enluminures qui lui donneront l'idée de certaines formes de chapiteaux (les personnages contorsionnés et les plantes), devenant fervent chrétien et bon connaisseur des textes, rencontrant Étienne qui le découvre alors qu'il est apprenti sculpteur dans un des nombreux ateliers qui travaille à Cluny et aux alentours (Berzé, Anzy, etc.), qu'il perçoit et admire son talent naissant. Peut-être ce sculpteur découvre-t-il l'art antique et Gislebertus à Autun mais il sculpte de manière radicalement différente. Bouleversé par son talent, Étienne lui confie le chantier de Saint-Andoche, qui sera le chantier de sa vie.

Étienne lui commande des thèmes similaires à ceux d'Autun, la fuite en Égypte par exemple, mais qu'il interprête de manière radicalement différente (comme une Vierge à l'Enfant de Léonard peut être différente d'une Vierge à l'Enfant de Rubens).

Le sculpteur décide en accord avec Étienne de diviser son travail en deux : les motifs végétaux et les chapiteaux historiés (mais tous les chapiteaux hisrtoriés ont un fond végétal, même ceux prenant place dans le désert). Il réinterprète avec une grande originalité, une grande maîtrise, et une grande inventivité le thème antique du chapiteau corinthien à feuilles d'acanthe, que l'on trouve à tous les niveaux de la basilique. Il multiplie les niveaux, les superpose, y introduit des têtes humaines, etc.

Il représente aussi des plantes qu'il a vues dans son environnement morvandiau, feuilles d'aulnes, grande berce, chardon, fougères, marguerites, etc. La corbeille est taillée parfois comme un feuillage s'étalant sur toute la surface et faisant retour aux angles.

La vigne ou le figuier sont des végétaux bibliques, la vigne symbolise le peuple juif et l'alliance avec Dieu, le figuier apparaît dans une parabole du Christ.

Les fougères sont tout aussi remarquables par leur variété avec leurs grandes feuilles qui se terminent par une forme qui fait penser à un faciès. Autant Gislebertus à Autun est pétri de culture gréco-latine, sculptant vraiment en bas-relief, souvent à plat, autant le maître de Saulieu donne du volume à ses chapiteaux, où la rondeur de la corbeille l'emporte sur l'aplat.

Les premières figures de Saulieu sont maladroites mais au fil du temps, sa technique s'affine et aboutit à une virtuosité quelque peu contradictoire avec son esprit indéniablement mystique, fiévreux, et en même temps doté d'humour. En revanche, on ne ressent pas la même sensualité que dans la sculpture d’Ève à Autun.

Les chapiteaux historiés de Saulieu prennent leur source d'abord dans les textes bibliques telle l’ânesse de Balaam, dans le Livre des Nombres (Ancien Testament), la fuite en Égypte ou la Résurrection (Évangiles).

Il est impossible pour nous aujourd'hui qui ne connaissons pas les sculptures du transept et du chœur disparus, de savoir si la disposition des chapiteaux répond à un dessein particulier.

Ce que l'on peut avancer c'est que beaucoup de chapiteaux de la nef ont pour base le combat entre les forces du bien et du mal, le combat spirituel. Il y a bien-sûr la première tentation du Christ : le diable, hideux, a un serpent qui s'enroule autour de son pied. Le Christ assis sur des feuillages de figuier, très bien représentés, très découpés, du doigt et de la parole, repousse la tentation représentée par une pierre que lui tend Satan. Le chapiteau représente le combat spirituel remporté par le Christ contre Satan, renvoyé au désert, ce qui inverse le rapport entre bien et mal de la chute d'Adam. Le Christ est le nouvel Adam qui délivre les hommes du péché originel. L'ensemble sculpté fait référence au psaume 90 et aux Évangiles. Le Christ est un modèle pour tous les Chrétiens menacés par le diable. Or Étienne de Bagé est l'auteur d'un ouvrage sur l'Eucharistie où il compare la gourmandise, la première tentation du Christ représentée à Saulieu, à la vénalité et à la luxure, d'où le serpent qui s'enroule autour de la jambe du diable, image de la luxure. Par ailleurs, le diable vient de l'extérieur, du bas-côté, et tente de s'introduire dans la nef de l'église où il est stoppé par le Christ qui le repousse hors de la maison de Dieu, aidé en cela par un ange qui veille.

Ce chapiteau peut être associé sémantiquement à celui de l’ânesse de Balaam dans la travée précédente, d'abord par l'orientation du faux prophète qui arrive de l'extérieur et qui rencontre un ange armé d'une épée qui stoppe l’ânesse effrayée, empêchant le pécheur d'accomplir sa néfaste mission confiée par le roi de Moab, maudir Israël. La luxure évoquée dans la tentation fait aussi penser aux Wouivres et au baiser diabolique.

Le combat spirituel et la protection de l'espace sacré se retrouve avec le Sagittaire, ici plutôt bénéfique et qui chasse des rapaces, peut-être maléfiques, tentant de s'introduire dans le transept.

Peut-être ce qui est présenté comme le pet de l'ours, deux animaux affrontés, est-il symbolique de ce combat spirituel et de la dualité de l'homme.

Les Wivres (qui donne en français le mot vipère, indication du caractère maléfique de l'animal) sont décrites par le Physiologus, qui a beaucoup inspiré les bestiaires médiévaux. C'est un animal maléfique car sa naissance provoque la mort de ses parents. La femelle prend la tête de son « époux » dans sa gueule et pendant qu'il prend son plaisir elle lui tranche la tête avec ses dents et l'avale. Elle enfante par le côté, ce qui provoque sa mort. C'est une image de l'envie et du péché. C'est une leçon pour les Chrétiens, qui doivent abandonner leur vie de péché et se tourner vers le Christ, vers la vraie foi, représentée sur le chapiteau voisin, la Résurrection, scène en trois parties, avec un magnifique Christ se penchant sur toute l'humanité, même celle qui ne le reconnaît pas encore et en particulier sur Marie-Madeleine souriante.

 

Les chapiteaux ne sont pas disposés de manière préméditée mais au fur et à mesure de l'avancement des travaux et des besoins du maître d’œuvre et des maçons.

Le maître sculpteur de Saulieu a sans doute voyagé et pris connaissance de la simple sculpture cistercienne. Une nouvelle évolution se fait jour, dans les derniers chapiteaux de la première travée notamment, d'une sévère austérité, où les plantes ne sont plus reconnaissables que par leur volume, voisin de l'abstraction, voire les fleurs de lotus.

 

Étienne de Bagé vit-il achever son église de Saulieu ? Difficile de savoir. En tout cas, en 1136 il se retire à Cluny où il décède en 1140. Son ami Pierre le Vénérable écrivit une lettre au neveu d’Étienne de Bagé où il parle des grandes qualités de celui-ci : « Ce respectable prélat a méprisé parents, noblesse, faste, richesses, mître et crosse pour suivre Jésus-Christ, pauvre et humilié. Après avoir persévéré dans cet état avec une ferveur des plus grandes et des mieux soutenues, il a rendu l'esprit entre mes bras. Plein de vénération pour un si rare personnage, moi et ma communauté nous lui avons rendu les honneurs funèbres qui convenaient à son rang et à son mérite. »

Il fut inhumé à Cluny, derrière le chœur.

 

Au XIIIe siècle, la collégiale est le lieu des pélerinages à Saint-Andoche, saint-Félix et Saint-Thyrse.

Nous ne savons rien d'autre avant la destruction du Choeur et du transept, vers 1360. Lors de la Guerre de Cent ans les Etats généraux de 1359 refusent les prétentions du roi d'Angleterre Edouard III qui décide donc de mener une chevauchée punitive devant le mener au sacre en tant que roi de France. La Bourgogne en fait les frais. En échec devant Saint-Florentin et Tonnerre qui lui barre la route de la Champagne et de Reims, Edouard III prend position au château de Guillon. Son armée est obligée de poursuivre sa route et de s'enfoncer plus avant en Bourgogne. Des capitaines audacieux lancent des razzias jusque sur le Nivernais et si Avallon trop bien fortifiée n'est pas attaquée ce n'est pas le cas de Saulieu. Des routiers anglais, donc des soldats à pied, se payant sur le pays, parfois avec la complicité de seigneurs locaux trop contents d'y participer, arrivent à Saulieu qui résiste et refuse de les faire entrer. On est début 1360 et les Anglais réussissent sans doute à pratiquer une brèche et entrent dans la ville. Pourquoi le font-ils, mystère, peut-être des représailles par rapport aux chanoines, en tout cas ils incendient le chœur de Saint-Andoche qui est détruit, ainsi que le transept. Un peu plus tard, un nouveau chœur gothique est établi, dont on ne sait presque rien. Il sera remplacé par le chœur actuel, très lumineux, au début du XVIIIe siècle, moment où on y replace les stalles de bois.

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En 1364, le pape avignonnais Urbain V signa une bulle qui fut fulminée (c’est le mot) par l’évêque d’Autun Godefroy David. En 1384, ce fut le tour du pape Clément VII de signer une bulle fulminée par l’évêque Guillaume de Vienne. Ces bulles papales stipulaient que « l’église Saint-Andoche aïant été prinse, ravie, arse par les Anglais » ils accordaient des indulgences plénières à tous ceux qui feraient des aumônes pour sa réédification. Par ailleurs, en 1360, l’évêque Regnault de Maubernard, oncle de Godefroy David, vendit une grande partie de ses bois de futaie, afin de financer la reconstruction de l’église et de la ville.

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Lors des derniers siècles du Moyen-Âge, la nef subit de nombreuses modifications par l’ajout de chapelles, au nord et au sud. C’est la preuve que les évêques d’Autun se soucient toujours de leur église sédélocienne, d’autant qu’ils prennent le titre de comtes de Saulieu. En 1427, l’évêque d’Autun Ferry de Grancey fait construire la chapelle dédiée à Saint-Georges. Le culte de Saint-Georges se développe justement à l’époque gothique. Il est aussi un symbole de la lutte contre le mal, ce qui est de circonstance dans un monde frappée par les épidémies, la guerre récurrente et les famines (problèmes climatiques). Construite au XVe siècle, la chapelle est donc de style gothique. Ferry de Grancey se fait même inhumer à Saulieu, dans cette chapelle, peut-être du côté oriental où se trouve une crédence et une niche. Cette chapelle, la dernière du côté sud, est aujourd’hui celle du Saint-Sacrement, fermée par une porte vitrée.

 

Les seigneurs locaux participent à cet embellissement. A Conforgien on peut encore voir la maison forte des seigneurs locaux, des écuyers de l’entourage du duc de Bourgogne, et c’est important, eux-mêmes originaires d’Autun, les Clugny (sans rapport avec l’abbaye de Cluny). Ils possédaient un immense domaine foncier où ils pratiquaient la céréaliculture, l’élevage ovin mais il y avait surtout de vastes forêts. Le bois de chêne était vendu à Saulieu où il servait aux tanneurs, le tan rendant le cuir imputrescible. C’est une activité qui explique l’enrichissement des Clugny. Comme tout seigneur, ils veulent marquer leur pouvoir et leur richesse et font donc édifier dans la basilique Saint-Andoche une belle chapelle, la dernière du côté sud, après la sacristie. C’est la chapelle Notre-Dame de Pitié, couverte d’une simple voûte d’arêtes et bien éclairée par un vitrail translucide. On y trouve la très belle statue de la Vierge auxiliatrice, qui accueille les chrétiens dans son manteau. Le culte de Notre-Dame, comme l’atteste les noms des très nombreuses cathédrales gothiques, s’est considérablement renforcé en cette fin du Moyen-Âge. Hugues de Clugny fait sculpter ses armes sur l’une des retombées des nervures de la voûte.

 

Du côté sud, un autre grand évêque d’Autun, fils du très grand chancelier Rolin, « premier ministre du duc Philippe le Bon », fondateur de l’Hôtel-Dieu de Beaune, est devenu cardinal. Les Rolin sont aussi originaires d’Autun (leur hôtel particulier en cette ville est devenu le musée Rolin). D’abord archidiacre de la cathédrale d’Autun, Jean Rolin devient ensuite évêque de Chalon-sur-Saône en 1431 puis assez logiquement évêque d’Autun en 1436. Le pape Nicolas V le fait cardinal en 1448. Il cumule ensuite les titres d’abbé (Saint-Etienne de Dijon, Saint-Marcel-lès-Chalon, Saint-Michel d’Anvers, Saint-Martin d’Autun, etc. donc en terre bourguignonne). Il fait construire la chapelle Saint-Vincent à Autun et la chapelle Saint-Léger à Beaune. Il devient ensuite abbé de Bard puis abbé de Flavigny. C’est donc un personnage très puissant, une figure de la noblesse et de l’Eglise du duché de Bourgogne.  A Saulieu, il agrandit la nef en y adjoignant la chapelle dite du cardinal Rolin, aujourd’hui la sacristie. Etant cardinal, il fait représenter le chapeau cardinalice à la clef de voûte. C’est un grand bâtisseur puisqu’on lui doit aussi la restauration de l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire d’Autun, l’érection de la flèche de Saint-Lazare d’Autun. C’est aussi, à l’image de son père, il est à bonne école, un mécène d’art : il protège le maître de Moulins qui peint La Nativité au cardinal Rolin, aujourd’hui au musée Rolin. C’est enfin politique, très intéressé par l’argent, à la politique contradictoire, puisque partisan de la Bourgogne ducale indépendante mais en même temps confesseur de l’universel araigne, à savoir Louis XI. Jean Rolin décède à Cravant en 1483.

Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que les murs sont recouverts de boiserie.

 

Au siècle suivant, on construit du côté nord la chapelle des fonds baptismaux et du côté sud la chapelle Saint-Crépin, de style gothique flamboyant avec une voûte de liernes et de tiercerons.

 

La ville se remit progressivement de ces malheurs, grâce à toutes ces libéralités, au commerce et à l’activité des tanneries, devenue florissante.

De plus, le roi Charles VIII prit Saint-Andoche sous sa protection et ordonna en 1491 qu’il serait passé de nouvelles reconnaissances des fonds qui appartenaient au chapitre, sur simple déclaration, pour remplacer les titres originaux brûlés par les Anglais. Mais en 1519 la ville fut frappée par une terrible épidémie de peste et les survivants se réfugièrent dans la forêt de Brenil. Aussi, quand François Ier vint à passer à Saulieu en 1521, la ville était grandement dépeuplée. Pour ne rien arranger, François Ier avait été fait prisonnier au désastre de Pavie en 1525. Pour payer sa rançon, il imposa lourdement l’Eglise de France. Le chapitre de Saint-Andoche dut vendre des terres, à Molphey par exemple, et même fondre et engager des reliquaires.

 

En ce qui concerne les guerres de religion, les Protestants, auxquels appartiennent les Clugny, détiennent la place forte de Conforgien tandis que les Sédélociens, aussi surprenant que cela puisse paraître aujourd’hui quand on connaît leur sentiment religieux, sont partisans de la Ligue, association ultra-catholique, menée par les Guise.

En fait Saulieu et le Morvan sont le terrain d’affrontement des catholiques et des protestants. De 1517 à 1562, les Réformés font des émules dans la région et entraînent des conversions, durement réprimées. En 1530, le bailli de Saulieu confesse le protestantisme. En 1556, Andoche Ménard, ex-chapelain, est brûlé à Autun en revenant de Genève. Les guerres de religion débutent par les massacres de Wassy en 1562. Dans la région, en 1563, les Huguenots, on les appelle ainsi à l’époque, pillent et brûlent les églises de Gacogne, Mouron, Mhère, Dun-les-Places, Montsauche, Saint-Brisson, Ouroux et Chaumard. Le doyen de la collégiale Saint-Andoche de Saulieu, qui administre 25 paroisses, déclare qu’il n’a plus aucun prêtre, tous ont été tués. En 1567, les lansquenets du prince de Condé, huguenot, incendient les faubourgs d’Avallon, massacrent les habitants d’Asquins réfugiés dans l’église, prennent Vézelay et Donzy. Ils assiègent ensuite La Charité où ils massacrent 900 habitants. En 1570, la bataille d’Arnay est indécise. Les Huguenots menés par l’amiral de Coligny pillent les environs d’Autun, puis Mailly-la-Ville, ils incendient l’église de Vandenesse, de Moulins-Engilbert, de Commagny et le château de Ménessaire. A cette époque, les Protestants sont assez nombreux à Saulieu et commettent des exactions. En 1580, ils assassinèrent la plupart des prêtres du chapitre de Saint-Andoche. Ceux qui restèrent, pour ne pas être victimes à leur tour des pièges nocturnes qui leur étaient tendus, remirent l’office des matines à 7 heures du matin. A partir de 1573, les huguenots de Saulieu, pas bien tolérés on s’en doute, se rassemblent avec ceux d’Arnay et de Châtillon à Conforgien, où ils assistent à des prêches (ministre du culte protestant Jacques de Miquelay). En 1576, la France est divisée en trois partis : les Ligueurs ultra-catholiques d’Henri de Guise, le parti huguenot d’Henri de Béarn (le futur Henri IV) et le Parti des Politiques ou parti du roi, mené par le roi Henri III. Or, en 1589 Henri III est assassiné et Henri de Béarn, chef du parti protestant devient le roi de France Henri IV. Henri est donc obligé de conquérir son royaume par les armes. Dans ce contexte, Le comte de Tavannes, au nom d’Henri IV, fait le siège de la ville de Saulieu, restée ligueuse, en 1589. La ville est prise et obligée de reconnaître l’autorité du nouveau roi. Saulieu devient une base arrière des forces royales à la conquête des cités de la région. Après avoir échoué devant Autun, le maréchal d’Aumont, comte de Châteauroux, se retire à Saulieu d’où il part pour assiéger Château-Chinon, qu’il prend cette fois-ci. Puis il prend et pille Lormes et Pierre-Perthuis. Il assiège Avallon mais échoue. En 1593, Henri IV se convertit au catholicisme (« Paris vaut bien une messe »). Mais cela ne suffit pas à le rendre légitime aux yeux des catholiques. Avallon est prise en 1594. En juin 1595, Henri IV en personne défait l’armée ligueuse à Fontaine-Française et entre le 6 juin à Dijon. En 1598, c’est l’édit de Nantes.

 

Au début du XVIIIe siècle, la collégiale Saint Andoche est l'objet de nombreux travaux : le choeur gothique est remplacé par un choeur d'inspiration janséniste, inondé de lumière et décoré de peintures. A une date incertaine, l'église est coiffée de son dôme en plomb si caractéristique du goût rocaille. 

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Après 1789, la collégiale subit les déprédations révolutionnaires. Le culte catholique est abandonné. L’église temple de la raison. La chaire est occupée par des orateurs qui vont finalement adopter le culte de l’être suprême mis en place par Robespierre. Sur la façade de l’édifice, est inscrit en gros caractères, la formule suivante : « 

TEMPLE DE LA RAISON

NOUS CROYONS A L’IMMORTALITE DE L’AME »

 

Avec le concordat, le culte catholique retrouve une place en France. Chaque commune doit conserver une église. Saint Nicolas menace ruine et Saint Saturnin et Saint-Andoche servent à la commune de Saulieu et à celle du Plat pays, qui ne disparaît que sur décision gouvernementale qu'en 1858. Ainsi Saint Andoche échappe à la destruction et devient simple église paroissiale. Le bâtiment est en mauvais état et de nombreux projets de retauration sont envisagés mais achoppent toujours sur le problème financier. Heureusement, vers 1845, le maire de la ville, le médecin M. Thomas, obtint de M. Vatout, député et directeur des bâtiments civils et du ministre des cultes, un crédit de l’Etat, qui joint à quelques subventions locales, permit la réfection des bases des deux tours et une portion du mur latéral du bas-côté gauche, qui menaçait de s’écrouler. C'est qu'en 1841, Proper Mérimée lui reconnaissant certaines qualités, Saint Andoche fait partie de la première liste des monuments classés historiques en 1841. Viollet-le-Duc est appelé à Saulieu où il reconnaît la qualité des chapiteaux et des stalles gothiques. Il prescrit des travaux qui ne seront que partiellement réalisés, et encore pas par lui. En attendant la restauration promise par Viollet-le-Duc, le conseil de fabrique fait ce qu’il peut pour redonner son lustre à l’église, avec par exemple le nettoyage des chapiteaux, recouverts de plusieurs couches de chaux. Des travaux de réfection sur les vôutes, les toitures et le dôme sont réalisés en 1841, 1847, 1863, 1924, 1931, 1955, 1957, 1965, 1967, au portail en 1870, etc. 

 

 

Saint-Andoche devient basilique

La France avait été réorganisée administrativement par la Révolution et Saulieu faisait dorénavant partie de l’évêché de Dijon (un diocèse = un département). En 1912, Monseigneur Monestès, évêque de Dijon donc, visite la paroisse de Saulieu pour la première fois, et est frappée par la beauté de l’église et par son histoire. Il émet alors l’idée de demander son élévation au rang de basilique. Mais la guerre survient, une telle demande coûte chère et les Sédélociens sont anticléricaux. Mais l’anniversaire de ce que l’on pensait être la consécration (1119-1919) relança l’idée et finalement la décision fut prise. Le 25 août la supplique suivante fut adressée au pape Benoît XV :

« Très  Saint Père

Maurice Landrieux, évêque de Dijon, prosterné aux pieds de Votre Sainteté, la supplie qu’elle daigne accorder à l’église paroissiale de Saint-Andoche, à Saulieu, dans son diocèse, la dignité de Basilique mineure, à l’occasion du 8e centenaire de la consécration de cette église, le 21 décembre prochain. […] Chacune d’entre-elles fût bâtie (les églises successives) en mémoire des martyrs dont les reliques y sont honorées. Venus avec Saint-Bégnine, ils semèrent les premiers la parole de la foi parmi nous et y versèrent leur sang. »

La réponse favorable arriva le 10 novembre sous la forme d’un bref pontifical, sur parchemin :

« Benoît XV, Pape

Pour mémoire à perpétuité. Parmi les plus importants édifices sacrés qui font l’ornement du diocèse de Dijon, on compte à bon droit et à juste titre l’église paroissiale de saint-Andoche, à Saulieu, laquelle reste comme l’insigne et très ancien monument de la piété des habitants de la région. […] Récapitulant ces choses en notre esprit, comme notre vénérable Frère Maurice, évêque de Dijon, nous a fait d’instantes prières, pour que, cette année où s’achève le huitième siècle depuis que cette église fut consacrée par notre prédécesseur Calixte II, comme nous l’avons dit plus haut, nous daignons l’élever à la dignité de basilique. 

Touché par tant de souvenirs, Nous avons pensé qu’il fallait sans hésitation et bien volontiers acquiescer à ces vœux. C’est pourquoi, en ayant délibéré avec nos vénérables Frères, les Cardinaux de la sainte Eglise romaine préposés à la garde des Rites sacrés, de par notre autorité apostolique, en la teneur des présentes et à perpétuité, Nous élevons l’église paroissiale de Saint-Andoche de Saulieu, au diocèse de Dijon, à l’occasion heureuse du retour du huitième centenaire de sa consécration remémorée,

Au rang et à la dignité de Basilique Mineure

Et nous lui accordons tous les privilèges et honneurs qui appartiennent de droit aux basiliques de cette Vénérable Ville (Rome).

Signé : P. Cardinal Gaspari,

Secrétaire d’Etat. »

 

Cette nouvelle est aussitôt suivie des préparatifs de l’inauguration. Les catholiques de la fabrique entreprennent la réalisation de voiles, de banderoles, d’écussons. L’église est abondamment décorée : au frontispice une grande inscription en lettres gothiques et en latin « Basilica Sancti Andochii 1119-1919 », l’inscription est encadrée de drapeaux pontificaux et français avec des écussons aux armes de la ville. La nef est laissée telle quelle. Une grande palme est posée sur le tombeau de Saint-Andoche, en avant du sanctuaire. De chaque côté, sont disposés sur des crédences, deux reliquaires, ornés de fleurs. Le tout est accompagné de portraits de Calixte II et de benoît XV. Il y a encore des drapeaux, pontificaux, avec les écussons des deux papes, et les insignes peints des basiliques : beffroi et pavillon.

Deux trônes avec baldaquin rouge, galonnés d’or, sont dressés dans le sanctuaire om tous les sièges sont également tendus de rouge. Sur les gradins de l’autel sont disposés des chrysanthèmes, des œillets rouges, des feuilles de palmier, avec en arrière un large éventail de drapeaux du pape et de drapeaux français. Le chœur est tendu d’une draperie rouge avec crépines d’or et les mêmes trophées de drapeaux aux écussons de Mgr Landrieux, de Mgr Berthoin et deux reproductions très agrandies des anciens sceaux du Chapitre.

Il y a une messe le matin puis la cérémonie proprement dite l’après-midi si j’ai bien compris.

Une procession menée par l’évêque d’Autun permet d’entrer dans l’église. Sont présents donc, l’évêque d’Autun et l’évêque de Dijon. Le curé, J.-B. Sellenet,  fait la présentation de l’église en s’adressant à ces deux évêques :

"Monseigneur l’Evêque de Dijon

Monseigneur l’Evêque d’Autun,

Vous avez sous les yeux huit siècles d’histoire religieuse. […] Benoît XV vient de mettre le comble à tant de faveurs en ressuscitant le titre d’église royale quelque peu périmé. Car Basilique et royale, c’est bien synonyme, je pense. […]

L’évêque de Dijon lui répondit ensuite : […] Le Pape (il n’est pas à Saulieu) est avec nous, par son autorité, par sa parole authentique et on va vous donner lecture du Bref pontifical qui érige votre collégiale de Saint-Andoche en basilique mineure. » C’est le vicaire général Bullier qui lut solennellement le Bref (voir plus haut).

Puis la messe pontificale commença, célébrée par l’évêque d’Autun, Mgr Berthoin.  M. Bullier était prêtre assistant, MM. Durafort et Bernard, celles de diacre et de sous-diacre. Mgr Landrieux en Capa magna était à son trône, assisté de M. le chanoine Tuloup, vicaire général d’Autun, et de M. le chanoine Colas, aumônier du Carmel de Beaune. Il y avait aussi des bénédictins et d’autres prêtres du doyenné. Le conseil municipal refusa d’y assister.

La cérémonie fut, nous dit-on, fort belle avec de nombreux chants. Après la messe, les chœurs d’hommes et de jeunes filles chantèrent la cantate à la basilique :

« Salut, nouvelle Basilique

Sanctuaire antique

Des Sédélociens

Brille neuve et belle

Bien que tu sois celle

Qui pour nous rappelle

Huit siècles anciens… »

Après tout cela, il y eut un pot et des toasts furent échangés. Plus tard les vêpres furent chantées.

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L'intérêt de Saint Andoche, outre son architecture et sa statuaire très riche, réside d'abord dans des chapiteaux, en particulier ceux des grandes arcades. Les chapiteaux à feuillage sont d'une très grande diversité et d'unegrande liberté formelle comme les chapiteaux à animaux réels ou fantastiques d'ailleurs (le combat de coqs, le pet de l'ours, les abeilles, etc). Les chapiteaux historiés, une minorité dans cette nef, constituent une vision originale et d'une grande richesse platique de thèmes courants en Bourgogne, à Autun et Vézelay par exemple. On admire la grande maîtrise du sculpteur qui confère à cet ensemble une qualité exceptionnelle. La sculpture de Saulieu prend place au sein des oeuvres majeures de la sclupture romane en France et en Europe. 

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                                                                                                                                                                                                                                   Sébastien Lambert

                                                                             

                                                         Itinéraire roman conseillé en Côte-d'or au départ de Saulieu : 

collégiale de Thil (chapiteaux) 

eglise de Bussy-le-Grand (ensemble de douze chapiteaux historiés et à motifs de végétaux)

abbaye de Fontenay (pureté et austérité de l'architecture et chapiteaux à motifs de végétaux aquatiques dans le cloître)

Sussey-le-Maupas (peintures murales)

Autres sites en Saône-et-Loire et dans l'Yonne : 

cathédrale d'Autun (remarquable ensembles de chapiteaux historiés et tympan sculpté)

abbatiale de Vézelay (remarquable ensemble de chapiteaux historiés et tympans sculptés) 

 

Jean-Emile Courtois, Saulieu médiéval et le monastère Saint-Andoche, Association des Amis du Vieux Saulieu, bulletin n°5, 1984.

Christophe Jacques, Recherches sur l’ancienne collégiale Saint-Andoche de Saulieu : état de la question, mémoire de D.E.A en histoire de l’art médiéval, Université de Franche-Comté, UFR des sciences du langage de l’homme et de la société, 2001.

Guy Lobrichon, Bourgogne romane, Editions Stéphane Bachès, coll. Zodiaque, Lyon, 2013.

Virginie Marty, La basilique Saint-Andoche de Saulieu et son décor sculpté du XIIe siècle, Mémoire d’Etude, 1ère année de Master, Université Panthéon-Sorbonne, Paris I, UFR histoire de l’art et archéologie, 2013-2014.

Eric Pallot, Saulieu, basilique saint-Andoche, Etude préalable à la restauration générale, Vincennes, 1994. 

Léone Pia Lachapelle, Une dynastie d’architectes : les Caristie, Mémoires de la Commission des antiquités du département de la Côte-d’Or, 1976, pages 219-238.

Arnaud Timbert, Restaurer et bâtir, Viollet-le-Duc en Bourgogne, Presses Universitaires du Septentrion, coll. Architecture et urbanisme, Villeneuve-d’Ascq, 2013.

Christian Sapin , Bourgogne romane, Editions Faton, Dijon, 2007.

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